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  • Laheedjah Tikidanke

Athéna. Ou l'hypocrite polémie.



Je n’avais, au départ, aucune intention de voir Athéna parce que Ladj Ly, auteur des Misérables (que j’avais détesté), était au scenario. Je l’ai donc vu comme un film de plus (voire de trop) sur la jeunesse française de banlieue qui n’allait faire avancer personne.


Les avis sur les réseaux n’ont rien arrangé, à la différence qu’en dehors de la France qui descend le film en flammes, le reste du monde l’acclame, parce que tout simplement perçu pour ce qu’il est : UNE FICTION.


J’ai donc fini par y jeter un œil. L’entrée en matière avec ce plan séquence ahurissant de 11 minutes a suffi pour éveiller et maintenir mon intérêt, jusqu’à défoncer la touche replay de ma télécommande pour décortiquer ce que j’appelle, sans trembler du menton, un coup de maître cinématographique absolu.


Du reste et après visionnage, Athéna se révèle finalement tout aussi dangereux que les Misérables, et tout aussi jubilatoire dans la révolte que pain béni pour les partisans des extrêmes. Il y a juste que cette fois, la qualité visuelle qui te plonge au cœur du conflit est telle qu’elle donne envie d’en être. Et pour quelqu’un qui stocke un monceau de colère poliment entassé au fond de ses tripes pour éviter de se faire mêler et préserver son intégrité dans la société, bah c’est JOUISSIF.


Athéna n’est rien de moins qu’une utopie, dans laquelle on défonce BFMTV, où le chef de la police est un noir bisounours, où le soldat revenu de guerre vire sa cutille en se retournant contre la main armée qui le nourrit parce qu’elle lui prend son frère, et où la police déclare en se frappant le torse devant la presse qu’elle fera tout pour extirper les brebis galeuses de ses rangs pour rendre justice. Ça, et bien d’autres détails présents dans le film qui peuvent la plupart du temps prêter à sourire, parce qu'on sait que ça n’arrivera jamais dans la vraie vie.


Mais une utopie qui fait du bien à ton âme de révoltée, au nom de tous ces moments frustrants où t'as crevé d’envie et de rage d’agir à la place des institutions qui détournent les yeux voire cautionnent la maltraitance démocratisée des autorités envers les citoyens, premiers sanctionnés dès qu’ils se perdent à RÉPONDRE.


Le final, qui en a beaucoup laissé perplexes, offre à tout un chacun le choix de se faire sa propre opinion, et d’en tirer sa propre conclusion. Et il n’y a pas plus déstabilisant qu’un film qui ne te dit pas quoi penser en te laissant seul devant ton écran, face à ton libre arbitre.


Qu’on partage ou non, je considère Athéna comme un grand spectacle aussi dangereux que suicidaire, parce que ceux que ça arrange de catégoriser les noirs et les arabes en cité, ne verront rien d'autre dans ce film que le petit porno du dimanche sur lequel s’astiquer tranquillement à l'abri de bobonne et ses marmots, pour se conforter dans une opinion déjà forgée depuis la nuit temps sur les banlieues et ceux qui la tiennent debout.


Presque systématiquement associés à la délinquance et au banditisme, les jeunes de banlieue sont ici dépeints comme des mercenaires non négociables au cœur d’une épopée lyrique et guerrière ("Les Princes de la Ville" du 113 version opéra), et dont la colère est aveugle, sourde et vociférante, parce que le temps des pourparlers est définitivement RÉVOLU.


Les jeunes sont fatigués et ont - pour certains d'entre eux - sûrement vu dans Athéna comme une manie sadique par son réalisateur de revenir tapoter sur une plaie qu’on ne leur laisse jamais le temps de cicatriser, parce que s'estimant une fois de trop discrédités à travers un film dont le succès est basé sur son irréprochable esthétique. Et ça, je le comprends totalement.


Mais qui viendra dépenser la même énergie pour un film sauce « feel good », où Abderrahmane sera autre chose qu'un dealer de shit ou Youssouf un sans-papier soutenu par la FCPE de son collège d’accueil dans le scenario… ? Ce sera fatalement le genre de film qui finira classé en catégorie cinéma d’auteur, projeté dans une salle MK2 de 3 m² dans laquelle personne n’ira, ou que seul Télérama recommandera à ses abonnés férus de films indépendants snobés du grand public, parce que l’anti-cliché NE VEND PAS.


On fait une fiction sur une émeute en France et on grince des dents en pointant du doigt toutes les absurdités scénaristiques, pour dire que c’est un film pourri qui dessert la jeunesse. Pourtant on donnera son argent à pléthore de films de guerres de gang US et tous leurs petits jumeaux derrière, avec une tête d’affiche poids lourd, de l’action, des voitures en feu qui volent, des gros culs stringués, des gros mots toutes les deux répliques et de la violence gratuite au kilomètre sur fond de bande son "shazamable", alors que ce genre exploite tout autant un contexte sociétal existant pour y créer un récit dont le pack d'incohérences et de clichés réducteurs dérangeront étrangement beaucoup moins de monde.


Et c’est là que je trouve la polémique autour d’Athéna hypocrite.


Les jeunes sont stigmatisés et las de l'être, au point que même une fiction leur rappellera leur quotidien, surtout si poussée à l’extrême pour la partie spectacle, comme le voulait cette TRAGÉDIE, et telle que précisée EN GROS sur l’affiche du film de Gavras, qui lui-même dit que son film n’est PAS LA RÉALITÉ.


On guérira en France le jour où on admettra officiellement que ça n’est pas seulement dans les banlieues de France que ça ne va pas, mais aussi du côté de l’uniforme qui frappe en face.


C’est pas Athéna qui va aggraver ou adoucir la situation en France.


Ça changera juste RIEN.


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