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  • Laheedjah Tikidanke

12 Years A Slave... dans l’intime du SANG qui coule.


A travers le regard très singulier du talentueux Steve McQueen, déjà auteur des très profonds "Hunger" (2008) et "Shame" (2011), c’est avec l’esprit totalement averti sur son univers cinématographique que je suis allée voir "12 Years A Slave".


Bien que le jeu soit au départ plutôt romancé pour dépeindre l’existence quasi idyllique de Solomon Northup(1) avant sa mise en esclavage, la suite du film se déroule sur l’écran, comme un rouleau compresseur s’étendrait lentement et sûrement sur un estomac, faisant progressivement suffoquer le spectateur, tout en lui broyant chacune de ses côtes jusqu’au seuil du trépas.


Sous les traits somptueusement Africains de l’incontournable Chiwetel Ejiofor (Quatre Frères, Talk To Me, 2012, Amistad ou encore American Gangster), Solomon Northup est né en homme libre.


Cet Afro-américain, distingué et imprégné d’une forte naïveté due à sa renommée dans la haute société blanche d’alors pour ses talents de violoniste, ne va pourtant pas échapper au sort de supplicié qui l’attend. Et de par son parcours d’homme noir instruit, Northup, arraché aux siens pour 12 années de rapt, paiera cher cette érudition.


Sans poursuivre dans le synopsis du film, le point fort du film de McQueen est d’avoir réussi à plonger le spectateur dans l’intime absolu d’un homme libre brusquement devenu esclave et qui, par la force des choses, peinera logiquement à plier devant une dite autorité, face à laquelle il n’aura jamais eu à s’incliner de toute son autre vie.


De ce refus de soumission, se révèlera alors sous mes yeux la dureté et l’intense cruauté de cette condition d’esclave qui deviendra la sienne, et que McQueen prendra un soin brutalement lucide à livrer avec un réalisme et une violence psychologique les plus éprouvants possibles.


Durant ces 2 heures où le quotidien de cet homme semble presque avoir été vécu en temps réel, si le final est pour Northup une délivrance, il n’en est pas moins une victoire au goût amer pour le reste de ses compagnons qui n’auront pas eu la "chance" d’être nés LIBRES. Et c’est le seul bémol que j’émettrai à la morale de ce film. Car si l'on se réjouit pour UN SEUL HOMME, ce sont en parallèle des MILLIONS d’autres qui ne connaîtront pas le même sort.


Ceci dit, et à bien des égards, "12 Years A Slave" est une œuvre fortement symbolique.


Dans le sens où, réalisé par un cinéaste Britannique noir, l’Amérique l’accueille autant à bras ouverts qu’elle accepte enfin de se regarder en face en lui décernant des prix, "12 Years A Slave" est symbolique.


Dans le sens où, porté par une promotion inhabituellement forte au regard du sujet traité, il parvient à déplacer les foules et susciter l’intérêt public, "12 Years A Slave" est symbolique.


Mais dans le sens où il y aura toujours des bourgeois d’ignorants, venus s’encanailler pour y voir du Nègre se faire fouetter en pouffant devant des scènes de torture, "12 Years A Slave" restera malheureusement AUSSI symbolique.


Car à l’heure où le 7ème Art étend un peu plus officiellement son champ de vision sur l’esclavage et y porte une lumière beaucoup moins terne et complaisante que par le passé, il reste encore cette partie obscure de la population pour considérer encore que l’Histoire du peuple noir ne peut être explorée sans une once de dérision qui prêterait forcément à rire sur sa condition, pire encore si cette moquerie se voit confortée par des suicidaires Afros "bankables" qui rient de leur propre histoire.


Si en Angleterre, il y a "12 Years A Slave", ou "Racines"et "Django Unchained" en Amérique, ici, en France… nous avons "CASE DÉPART".


En cela, l’homme noir lui-même a, à mon sens, une forte responsabilité dans le fait qu’aujourd’hui encore, il reste de ceux dont il est toujours acceptable de moquer le vécu, l’ascendance et sa condition d’alors, sans que grande foule – à commencer par l’Afro lui-même, s’en offusque véritablement.


Il devient urgent que cet homme noir, après s’être bien regardé en face, cesse une bonne fois pour toutes d’exiger, mais REPRENNE CLAIREMENT le respect qui lui REVIENT. Ainsi, pourrai-je me perdre à rêver un jour que MON Histoire soit traitée avec la considération définitive qu’elle mérite, sans que plus jamais on vienne me dire, soit que "l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire", ou que "l’esclavage est fini et qu’il faut passer à autre chose".


Car une chose est sûre : ce n’est pas en attendant d’être nombreux que l’on commence à agir, mais en se prenant SOI-MÊME en charge pour être en phase avec sa propre Histoire, sans plus jamais tolérer d’être traité comme l’esclave mental que nous ne sommes PLUS CENSÉS ÊTRE dans cette société qui – quelle qu’elle soit – est AUSSI la nôtre.



(1) Biographie du véritable Solomon Northup :

http://esclavesenamerique.org/auteurs/solomon-northup/

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