- Laheedjah Tikidanke
Entre les Murs... (de mon adolescence)

J’y suis allée et très franchement, là tout de suite, fraîchement sortie de projection, j’ai surtout ça à dire : le film pète.
Et Sean Penn a du goût. J’aimais déjà le gars ; il a fini de me convaincre.J’ai aimé l’idée qu’un groupe d’élèves, qui pensent d’abord faire un film aux dialogues improvisés à se projeter en cours finisse sur les marches d’un festival et passe la barre du million d’entrées pour un sujet de ce type, le quotidien d’une classe de 4ème aux personnalités aussi hautes en couleurs qu’attachantes, dans un collège à réputation sensible.
J’ai connu ce genre d’ambiance. Et ce soir j’ai eu 13 ans... Sorry pour ceux qui y voient une quelconque manipulation, une volonté de nuire à certaines communautés de France, j’ai pour ma part tout simplement eu, au cours de ces 2 heures, la conviction quasi-intestinale de me revoir en classe de 4ème, avec mes potes de l’époque et un remix de plusieurs profs dont le souvenir s’est réincarné dans la peau de ces figurants, cette nouvelle génération de profs et d’élèves qui n’ont finalement pratiquement pas bougé d’un pouce de la mienne, celle d’il y a bientôt 20 ans. J’ai purement et simplement revécu mon adolescence et tout ce que ça comportait de bons et mauvais aspects de la période scolaire. Et j’ai revécu ça avec plaisir.
Le coup du "donne-moi ton carnet d’correspondance" quand tu réponds mal (DAMN les souvenirs de négociations avortées à l’entente de cette phrase manman ^^ !!!!), les "attendez m’sieur !!" quand le prof s’apprête à ramasser ton devoir sur table, les séances de remises de bulletin, la tronche froissée de ta daronne quand elle apprend tes absences injustifiées et les signatures parentales en faux sur les faux mots d’absences (mdr), les ambiances de forum en cours de français après une dissert’ ou une projection de film, ceux qui n’écoutent pas et empêchent les autres de se concentrer, le semblant de copinage avec un prof plus cool que les autres et qui en parallèle parvient à t’intéresser au genre de matière qu’au demeurant tu détestes, mais le prof aussi que tu as parfois un peu tendance à manquer de respect justement parce que tu crois que c’est ton pote, et qu’épisodiquement tu transformes en ennemi dès qu’il te rappelle qu’il est D’ABORD ton prof et te le montre en sévissant quand tu dépasses les bornes.
En voyant ce mec dans la peau du professeur qu’il a réellement été avant de devenir écrivain, j’ai revu M. CHARBONNIER, prof d’anglais (mon préféré), M. MSELATI, prof de maths (le seul à m’avoir intéressé aux maths et à qui je rend hommage ce soir à cause des ambiances survoltées similaires qu'on lui a infligées, mais qu'on a chaleureusement remercié après avoir eu nos diplômes ;-) ), M. PASQUIER, prof de musique à qui on a fait la misère, qui nous a dégoûtés à jamais de la flûte (dans laquelle on n’a pratiquement jamais soufflé), et dont les cours servaient plus de récréation de cancres et crises de barres en tout genre, plutôt qu’une quelconque initiation palpable à la musique classique. Ces trois profs-là en un seul sur l’écran. Shi-ii-t les souvenirs et les émotions se bousculent ^^ !!!
En voyant des cas comme celui de Souleymane, élève à la frimousse d’amour et l’humour ravageur mais dont l’indiscipline le mène à l’expulsion et le risque de l'incontournable "retour au bled", j’ai revu des camarades de cité dont certains ont aussi connu le sort du retour au pays à force de conneries commises à l’école (et ailleurs), j’ai revu les petites camarades de classes effacées, au look Candy, qu’on appréciait tant qu’elles se comportaient pas en "bouffonnes", et qu’on taxait toujours pour nous aider dans les comptes rendus de lecture ou autres devoirs de bio à 2 minutes de l’entrée en cours pour éviter le zéro pointé (on les appelait les "Têtes" parce qu’elles étaient studieuses ^^ ). J’ai adoré Boubacar (mon préféré), Carl, Coumba, j’ai eu droit à une piqûre de rappel impressionnante de mon adolescence et de cette époque bénie du collège où demeurent encore mes plus beaux souvenirs de délires entre potes. C’était l’époque où la couleur et les préjugés profonds ne monopolisaient pas nos vies, les frôlaient à peine.
En voyant Souleymane j’ai revu mon ami d’enfance, que je vois encore et dont le caractère sanguin, plus ou moins canalisé aujourd’hui, lui a lui aussi valu les expulsions de l’époque, les violents coups de sang, les convocations, les avertissements, mais aussi les affections de certains profs, qui voulaient croire en lui car sachant qu’il était au fond un bon garçon.
Coumba quant à elle est en période de puberté, commence à se fignoler, devenir féminine, et donc se relâche en cours parce que les intérêts extérieurs l’éloignent de l’école. Ça se traduit par une paresse, un manque de peps, une façon de répondre, un langage déplacé qui transforme la studieuse d’alors en rebelle au verbe soudainement trop urbain. Quelle ado qui commence à prendre conscience de sa féminité n’est pas au moins une fois tentée de s’intéresser à autre chose que l’école ? chez moi, c’était le walk-man auto-reverse et mes K7 TDK 90mn ;-).
Moi aussi, à un moment donné à l’école, je n’ai rien appris, j’avais pas envie. C’était d’abord mon son, mes clips sur TV6 et mes posters de Michaël Jackson, Madonna et Prince. Je trouvais suffisant d’être bonne en français et savoir les bases en math (plus, moins, multiplie, divise et STOP - fraction OUT ça va pas ou quoi) pour me dire que ça me suffirait pour entrer dans la vie active, au même titre que ces élèves qui trouvent aberrant d’appliquer l’imparfait du subjonctif dans les conversations de la vie de tous les jours.
On a pratiquement tous eu, à un moment donné ou un autre, rien à carrer des cours. Ca fait partie de cette période de la vie d’un pré-ado. Il se relâche. N’apprend pas parce qu’il n’a pas envie. Ne lit pas parce que les ordis et les textos parlent (mal) à sa place. Soit on se rattrape à tant, soit on le paye plus tard. Mais ça fait partie de son cheminement.
« Entre les murs » montre tout ça. Et moi j’ai adoré.